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Madame Choi
20 mars 2015

Irish-Italian-American girl loves Korean-American guy

kissingDès les premières pages de ce récit autobiographique, force est de constater que, comme le répètent très justement certains, "post-racial America is still not post-racial". Triste constat s'il en est, mais aussi terriblement frustrant et énervant quand on sait la diversité culturelle et raciale des Etats-Unis. Le hippie caché au fond de nous déchante. Aujourd'hui encore, la couleur de peau est un critère de jugement.

L'actrice Diane Farr a pu le constater à maintes reprises, alors qu'elle-même se lançait dans l'aventure de l'interracialité, avec son Giant Korean. Aujourd'hui mariée et mère de trois petits métisses, elle est en mesure de revenir sur son expérience avec maturité et honnêteté. Mais elle avoue que pour en arriver là, il a fallu qu'elle potasse. Elle en parle comme de son "homework", ces devoirs à faire chez soi mais qu'il faut éventuellement rendre (public) afin d'obtenir la note méritée. Les mois qu'elle a passé à apprendre les rudiments du coréen, les titres honorifiques des membres de sa future belle-famille, les détails de la cérémonie de mariage traditionnel coréen... lui font admettre non sans fierté qu'elle croit bien avoir mérité d'être heureuse avec son Géant de Coréen ! Et dans son cas, sa belle-famille le lui rend bien. Ama (sa belle-mère) lui sourit et lui dit, alors qu'elle l'aide à vêtir son hanbok de cérémonie, "Diane, you are perfect!" et Apa (son beau-père) verse même quelques larmes au mariage.

Malheureusement, de nombreux couples mixtes attendent encore un tel heureux dénouement. L'auteur partage en effet les témoignages de plusieurs autres couples qui se sont vus refuser le droit d'aimer l'élu de leur coeur par l'un des parents, voire les deux. Farr les décrit en ces termes: "those of us who love with our hearts first, and our skin... never", et raconte leurs histoires avec délicatesse. L'émotion que ces témoignages ont suscité transparait dans le texte, dont le ton n'est pourtant pas celui du jugement. Car juger ou critiquer est chose aisée. Et ce n'est pas l'objectif ici. L'auteur en effet ne se contente pas d'égratigner la surface de ce racisme sournois. Elle creuse pour tenter d'arriver au fond du problème et comprendre enfin comment des personnes intelligentes et éduquées puissent faire preuve d'une telle immaturité en ce qui concerne le choix du partenaire de leur enfant. Et comment se fait-il que ces préjugés raciaux aient encore une telle influence dans notre société que l'on croit pourtant affranchie de son honteux passé colonial ?kissing01

Ceux qui ont déjà été amoureux peuvent en témoigner : quand on aime, c'est à peine si l'on remarque la couleur, la race, la culture que l'on est en train d'embrasser. "Love is blind" dit-on. Alors qu'on est soi-même absorber par la beauté de toutes ces différences qui nous fascinent chez l'autre, on est bien loin de s'imaginer ce sur quoi les gens tiquent lorsqu'ils pointent leur doigt accusateur. Et lorsqu'on identifie enfin cette chose monstrueuse qu'est le préjugé racial, on tombe des nues. La réaction de Natalia, qui vient d'apprendre que la couleur de sa peau peut poser problème à la mère de son fiancé, illustre parfaitement notre consternation : "People really still have a problem with that?"

Farr ne nie pas qu'il existe "people in my psyche that I prejudge and shy away from" et reconnait que "pretending every person doesn't have some degree of prejudice is naive." Autrement dit, on a beau se croire au-dessus de toute xénophobie, si l'on est vraiment honnête avec soi-même, on doit bien reconnaître que certains 'profils' nous mettent peut-être plus mal à l'aise que d'autres... La question est maintenant de savoir comment tordre le cou à tous ces préjugés pour éviter de les transmettre à nos propres enfants. Car l'inventaire des problèmes qu'ils seront amenés à résoudre en grandissant ne cesse de s'allonger : comment nourrrir l'humanité entière ? Quelle énergie dévolopper pour un monde durable ? Que faire de nos déchêts toxiques ? etc.

Je rêve de pouvoir enfin rayer de cette liste de tâches la question de savoir comment éradiquer le racisme une bonne fois pour toute.

L'épilogue nous propose une piste. Si j'ai précédemment qualifié l'approche de Farr de délicate, elle n'en est pas moins ferme dans son intention de faire changer le statu quo et de faire réfléchir. Et pour cela, il faut éviter de "marcher sur des oeufs" et au contraire, se préparer à en casser quelques uns. Réfléchissez donc un peu à tout ces mots que vous avez banni de votre vocabulaire par peur d'offenser. Est-ce qu'en évitant d'enseigner à votre enfant la définition du mot colère, celui-ci sera épargné par cette émotion ? Absurde, n'est-ce pas ?! S'il y a une chose à retenir de ce livre, c'est qu'il ne faut pas avoir peur des mots. C'est à force d'avoir été utilisés à mauvais escient que certains vocables ont revêtu au fil du temps une teinte raciste. L'auteur est persuadée (et je crois qu'elle tient le bon bout) qu'il est urgent de nous réapproprier ces termes devenus tabous pour toutes les mauvaises raisons. Et pour se faire, il s'agit de les réintégrer à notre vocabulaire et de les utiliser, non sans les avoir préalabement dépouiller de toute connotation péjorative ou raciste.

Je constate que ma critique fait grand cas des préjugés raciaux. Le livre en revanche met également en scène (parfois avec humour) quelques uns de ces 'chocs' culturels qui n'ont pas toujours de résolutions simples. Pour tous ces couples interraciaux et/ou interculturels, moult questions inattendues sont amenées à être posées à un moment donné ou à un autre de la relation. À commencer par la cérémonie de mariage. Quelles traditions culturelles/religieuses honorer pour ce grand évènement familial ? Et quand arrivent les enfants : faut-il circoncir ou pas ? Baptiser ou pas ? Quelles fêtes religieuses ou laïques célébrer à la maison ? etc. L'auteur se garde bien de répondre. C'est à chaque couple, à chaque parent de prendre ces décisions qui souvent ne sont ni faciles, ni évidentes.

kissing02Alors à tous les amoureux qui réinventent chaque jour la définition du happily ever after, je dirais ceci : trinquons chers amis, car si le monde tique encore sur la couleur, la culture ou la religion, c'est qu'il n'est pas assez mélangé ! Secouons-le donc avec nos petits métisses qui rendront bientôt ce terme de 'race' obsolète. (Celui-là, on peut se le désapproprier sans regret.)

 

 

Kissing Outside the Lines

de Diane Farr

2011, Seal Press

(livre en anglais)

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Commentaires
M
Merci pour votre commentaire. J'espère fortement. Aussi. :)
F
Bonjour, j'espère fortement que vous continuez à produire des articles de ce genre, salutations.
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